22 juillet 2010
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AMERICAN DREAMS
Issu de limagination de Christopher Nolan, auteur notamment de Memento et de Batman begins, Inception avance comme film hybride et torturé, à limage de ses tout premiers plans qui montrent une mer agitée et un personnage échoué sur la rive. Le film semble résulter dun drôle de mélange des genres, comme situé au carrefour de Solaris (Tarkovski et Soderbergh), dExistenz (Cronemberg) et de Matrix (les frères Wachowski) auxquels on aurait rajouté une petite pincée de James Bond agrémenté dune pointe de film darts martiaux. Inception, derrière un habillage commercial attirant, brille en effet davantage par son envie de grandeur visuelle voire sa prétention cinématographique que par la pertinence de son propos.
Le film ne manque pourtant pas de moyens : une pléiade dacteurs impressionnante, Hans Zimmer pour la musique, une belle photographie et des procédés de tournage à la pointe de la technologie - Inception sort en IMAX dans certaines salles équipées, un procédé de projection de plus en plus répandu qui vaut le détour) - ainsi que des effets spéciaux exceptionnels. Côté acteurs, le contrat est rempli : Di Caprio confirme une fois encore son talent entouré de nombreux seconds rôles auxquels le scénario a fait la part belle. Limage, sophistiquée et travaillée, évoque un monde désespéré et désenchanté, tel quil existait déjà dans The Dark Knight, le chevalier noir, précédente réalisation de Nolan. Lintérêt principal du film reste essentiellement visuel, présentant de beaux passages où le cinéaste crée des univers surréalistes et oniriques dans lesquels on retrouve parfois lesprit du « film noir ». Ralentis séduisants et ostentatoires, gros plans accrocheurs, le metteur en scène filme dans lexcès, à la recherche de lintensité et de la démesure. On aime parfois. En revanche, difficile de suivre Nolan dans ses scènes daction filmées caméra à la main durant lesquelles il est presque impossible de suivre le déroulé des événements. Difficile également de sintéresser à son scénario et à un montage dune complexité incroyable qui demanderaient quatre visionnages avant den comprendre le sens. Difficile enfin de ne pas sexaspérer de la musique dHans Zimmer omniprésente, tapageuse et assourdissante qui finit par passablement irriter le spectateur.
Cette sorte de grand opéra surnaturel et outrancier, ne permet à aucun moment à la question essentielle démerger : celle de la différenciation entre le monde de lillusion, des rêves et celui de la réalité. La vieille question de Descartes, (« quand je suis éveillé quest-ce qui me prouve que je ne suis pas entrain de rêver ? »), est tout juste effleurée par un film préoccupé par sa richesse formelle et son soucis den mettre plein la vue. Le cogito de Descartes est ici largement minoré au profit dun monde dimpression et démotions. Dans Solaris, Tarkoski puis Soderbergh, se demandaient comment les souvenirs et les rêves pouvaient être un chemin dimmortalité et de renaissance. Ces grands films abordaient la question de la mémoire de lautre et de sa vie au-delà de sa mort. Dans Inception, les voyages dans les rêves et le subconscient, servent un scénario axé principalement sur des enjeux économiques et financiers, à lexception de la relation entre Cobb et Mall, sa femme décédée. Le film parvient très difficilement à prendre un peu de profondeur et dépaisseur spirituelle. Lunivers onirique devient prétexte pour laisser place à un déchaînement dhyper violence qui, face au puritanisme américain et aux codes de censure, trouve dans le contexte des rêves sa justification. Inception, malgré son aspect formel séduisant, ne peut donc pas dissimuler longtemps sa fascination aliénante pour les grands thèmes du cinéma américain : le pouvoir, la violence, la puissance économique.
Published by garabam
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