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31 août 2006 4 31 /08 /août /2006 11:40

Rien d'intéressant au ciné cet été ? C'est l'occasion de se replonger dans sa vidéothèque ou de l'enrichir avec ce chef d'oeuvre d'Almodovar

Passions, morts et résurrections sont au cœur de ce film exceptionnel sur l’importance de la parole et la force de l’amour lorsqu’il devient don ultime de soi.

Quand Almodovar devient mystique…

Les chefs d’œuvre du cinéma dégagent une force étrange et laissent leur empreinte longtemps après, comme pour un livre. "Parle avec elle" fait partie de ces films.

En dressant le portrait de deux couples touchés par le même drame (deux hommes se rencontrent à l’hôpital alors que leurs femmes sont dans le coma) Almodovar met au centre de son film la vie, l’amour, la mort. Les deux femmes dans le coma ne parlent plus mais restent la cause de l’agitation des hommes : Almodovar, très religieusement, donne une part très belle à la femme qu’il présente forte, réaliste et porteuse de vie (à l’image de cette source qui coule au générique de fin) face à un univers masculin plus immature et incertain. Mais, dépassant comme à son habitude la distinction conventionnelle entre les sexes, le réalisateur évoque surtout l’amour gratuit, la passion pure et innocente qui peut sauver l’autre.

Même s’il présente un montage extrêmement complexe, le film fait preuve d’une grande maîtrise et s’écoule dans la fluidité. Almodovar utilise des flash-backs, des ellipses, il  renseigne juste ce qu’il faut sur ses personnages mais nous sommes complètement associés à leurs pensées et à leurs sentiments. A l’image de ce qui est raconté, le scénario mélange avec audace complexité et simplicité. Des chansons d’amour reviennent, des lambeaux de mémoire remontent à la surface, accompagnés par une musique superbe qui donne au film une puissance d’évocation très dense.


"Parler" : il en est constamment question même quand ce n’est plus possible. Parole dont sont privés les danseurs mais aussi les personnages du cinéma muet auquel il est fait allusion et même Marco l’homme qui ne parvient à exprimer sa souffrance que par les larmes et qui ne trouvera pas à temps les mots salvateurs. La parole qui blesse comme celle de l’animatrice de télévision. La parole qui caresse et qui soigne lorsque l’infirmier Benigno lave le corps inerte d’Alicia, parole qui l’entraîne aussi dans la folie parce qu’elle reste sans réponse. Parole du réalisateur lui-même qui à travers son film retrace les méandres douloureux de sa propre existence.

"Parle avec elle" détient une dimension spirituelle profonde. Pour que l’amour renaisse, pour que la vie se transmette, il faut que quelqu’un s’efface et cède sciemment sa place, sinon sa vie. C’est ce qui se passe dans la succession des couples qui se forment tout au long du film. Avec, au centre de cette succession, le personnage de Benigno (le "bien nommé"), figure messianique évidente, qui est le "catalyseur" de toutes les renaissances : c’est lui qui cherche à donner du courage à Marco, complètement démuni face au silence de Lydia ; son amour fou de la vie, sa volonté passionnelle de sauver Alicia l’entraîneront jusqu’au don de lui-même. Ce sacrifice sera porteur de vie et inaugurera un nouveau commencement. A l’image de la scène charnière du film, la séquence de l’Amant qui rétrécie reconstituée dans une scène de (faux) cinéma muet.

Cette séquence donne la clef du film : elle évoque d’abord d’une manière symbolique (rien de choquant n’est montré) le drame de la vie de Benigno (le viol, le fait qu’il est "étouffé" par la femme) mais en même temps, elle évoque la renaissance, un retour dans le sein de la mère pour une nouvelle naissance. Le film ne montre pas un minable violeur engrossant une malade sans défense mais un authentique innocent dont la parole est porteuse d’amour et de vie. Après tout, comme Almodovar le fait dire à Géraldine Chaplin dans la dernière scène évoquant une histoire en devenir : "Je suis maîtresse de ballet et rien n’est simple".


Ultime ressort de cette séquence de cinéma muet, c’est d’une référence au cinéma lui-même dont s’est servi Almodovar pour évoquer le drame et le salut d’une existence. A demi-mots, en tant que cinéaste, il cache à peine combien le cinéma dans son histoire a pu être pour lui porteur de vie et de renaissance. Plus largement il se demande peut-être dans quelle mesure le cinéma peut "sauver" une existence. Peut-être, un jour, aurons-nous l’occasion d’en "parler avec lui"...



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30 août 2006 3 30 /08 /août /2006 19:44

AVRIL

DE GERALD HUSTACHE-MATHIEU

Avril, premier long métrage de Gerald Hustache-Mathieu (déjà remarqué pour ses deux précédents courts),  porte en lui la marque de son titre. Un film de renaissance, un film des débuts,  débordant de sincérité, profond dans sa fragilité et sa délicatesse. Un air ancien  de  nouvelle vague souffle dans certaines scènes : on se croirait parfois dans du Rohmer ou du Truffaut avec des acteurs jeunes très spontanés et très naturels. Quelques flashs de Jules et Jim surgissent lors d’une scène, quand les 3 garçons apprennent la chanson Aline à Avril, par exemple. L’aspect hyper esthétisant des images (parfois même un peu forcé) rappelle l’imagerie d’un Ozon ou d’un Beinex.  A l’image de son beau générique d’ouverture, le film procède par touches impressionnistes, des coups de pinceaux de vie. Un récit filmé qui effleure et touche poétiquement.

La représentation, le camouflage et l’artifice constituent les premiers lieux d’exploration du film. Que ce soit dans le domaine de la religion ou dans le domaine artistique, les personnages expriment une recherche de vérité et de pureté du sentiment. Dans le premier, la religion est au service d’un mensonge (les règles de la communauté des soeurs permettent à la mère supérieure d’étouffer un secret de famille, il faut enterrer le passé, on enferme la novice dans une retraite silencieuse soit disant spirituelle). La religion est dénoncée ici comme un lieu de pouvoir et de main mise de l’homme sur son prochain pour l’empêcher de regarder la réalité en face. En ce sens, elle est ici perçue par le réalisateur comme source d’enfermement qui empêche la personne d’être heureuse et libre. L’art, quant à lui, exprime aussi un substitut à la réalité mais, là où la religion enferme, la peinture, elle, exprime un désir d’éclosion, elle témoigne d’une volonté d’ouverture sur le monde, un don en quelque sorte qui n’est pas encore tourné vers l’autre mais qui porte une promesse ou exprime une attente. Les talents cachés d’Avril en peinture se verront vraiment reconnus par Pierre. Tout au long du film, l’art permettra aux personnages de se rapprocher et de s’apprivoiser (cf. la scène où Pierre apprend à Avril à préparer la couleur de la peinture).

Et c’est bien ce désir d’éclosion qui habite tout le film. Au-delà des représentations religieuses ou artistiques qui intéressent le réalisateur,  Hustache-Mathieu met en scène des personnages en quête de relation et d’amour, en quête du sens de leur vie. Le cheminement d’Avril , de Pierre, David, Jim et les autres représente l’objet central du film. Presque tous vivent une conversion qui les amènent à la vérité toute nue. Cette quête se traduit par la recherche ou la découverte de ce que ni la religion ni l’art ne peuvent leur apporter : aimer et être aimé. Le réalisateur - à ses dépends ? - montre ainsi que seul l’amour peut donner un sens à une vie. En ce sens, même si le film critique l’hypocrisie des appareils ecclésiastiques, il reste profondément spirituel, croyant et religieux  parce qu’il ramène chaque personnage  à un acte de foi débarrassé des artifices d’un système : accepter que le sens de sa vie vienne d’un autre, accepter de dépendre d’un autre. L’acte de foi est ainsi montré non pas comme un acte réservé aux transmetteurs officiels de la foi (prêtres, moines ou bonnes sœurs…)  mais à tout être qui lâche prise pour aimer.  Ainsi pour la quasi-totalité des personnages du film,  mère supérieure exceptée ! Avril, personnage central joué avec justesse par Sophie Quinton, vit une conversion en sens inverse, elle découvre progressivement la vérité de son existence et découvre le bon goût de la vie (« c’est la première fois qu’il m’arrive quelque chose » dit-elle). Elle découvre l’art, les garçons, les plaisirs simples d’un bain de mer, la joie de rire entre amis, de vivre le temps des loisirs. Elle découvre qu’elle a un frère et part à la recherche de son passé. Pierre le bon samaritain qui la protège et l’aime, décide de quitter l’ordinaire de sa vie pour l’aider dans sa quête ; il part dans l’inconnu en acceptant de la suivre. David et Jim vivent leur vie amoureuse au-delà des fragilités en faisant confiance. Du côté de la communauté des religieuses, Sœur Bernadette (Miou Miou) opère aussi une conversion en osant briser le tabou du secret de son histoire. La communauté des religieuses s’en trouve ainsi remise en question. Une vieille sœur ira jusqu’à demander pardon d’être restée dans le silence et le mensonge.

A l’image du miracle final (certes un peu audacieux mais dans la continuité poétique du récit) l’amour sort vainqueur et s’avère plus fort que la violence. La pureté d’âme d’Avril fait revivre la fresque murale, mémoire des corps innocents. La vie est plus forte que la mort.  Le vrai pouvoir est acquis. Ce n’est plus celui dicté par les systèmes et l’artifice mais celui de l’amour. Et quand l’amour fait éclater sa force, plus rien n’est impossible.

 

 



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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 23:27

"La plus grande tromperie du diable c'est de faire croire qu'il n'existe pas"

Le réalisateur de Z , l'Aveu ou plus recemment du Couperet a livré avec ce film une reflexion dense sur "l'Ennemi universel" qui deshumanise l'homme dans sa recherche de la vérité.

 Un film à conserver dans sa vidéothèque...

Ceux qui ont voulu chercher un peu de scandale à l'image de cette affiche qui a fait couler beaucoup d'encre ont été déçu ! Si on le regarde objectivement, Amen ne concentre pas ses attaques sur l'Eglise mais sur toute institution humaine en général et plus encore sur l'incapacité individuelle de l'homme à regarder la réalité en face. Voilà pour la polémique passée...

Il s'agit d'une histoire stupéfiante: Kurt Gerstein, officier SS, est chargé du fonctionnement des chambres à gaz; il découvre avec horreur qu'il travaille en fait à l'extermination des juifs. Il veut faire la vérité et entame alors un combat contre le mutisme; dans ses efforts un jeune prêtre le soutient, alors que le pape Pie XII reste réservé sur la question.

Plus soucieuse du fond que de la forme (certains décors sont très criards) la réalisation n'en reste pas moins remarquable au niveau cinématographique: le cinéaste refuse l'effet pathos "à la Spielberg" comme dans la liste de Schindler. Le spectateur ne voit pas d'images de juifs exterminés dans les camps. Ce parti pris met en valeur le rythme et l'unité stylistique du film. Tout en pudeur, Amen détient une puissance d'évocation très intense à l'image de cette scène d'anthologie où Gerstein, entraîné par ses collègues SS, découvre pour la première fois par le trou d'un oeil optique l'inimaginable horreur de la crémation dans les chambres à gaz. Des regards fauves se croisent alors entre SS qui jouissent silencieusement de l'horreur telle une meute. Gros plans sur les voyeurs, gros plan efficace sur la réaction de Gerstein et tout est dit: un sentiment de profond malaise, un retour à l'animalité, des images qui évoquent le péché de l'humanité, l'Ennemi intérieur. Le Mal trouve ici un mode de représentation à l'écran particulièrement parlant.

Au-delà de l'aspect artistique, la question essentielle du film porte sur la connaissance qu'avait le pape Pie XII de l'existence des chambres à gaz. Et, même si les repères historiques restent flous, le film est d'autant plus réussi qu'il ne craint pas de montrer la complexité du problème, en évitant le manichéisme et le simplisme. Les institutions contestées (les Eglises, les Etats-Unis, le régime nazi) sont présentées de façon nuancée. En ce qui concerne l'Eglise catholique, il n'est en aucun cas fait allusion à une quelconque complicité ou connivence avec le régime nazi. Certes, selon les propos des historiens (cf. propos de René Rémond dans Paris Match n°2754 P79), il faut écarter l'idée que Pie XII ne savait pas. Il était aussi bien informé que la plupart des chefs d'état mais il serait faux de laisser croire qu'il n'a rien fait ni que l'Eglise n'a rien fait. En France, par exemple, en 1942, les évêques protestent contre les rafles avec energie et inquiètent Laval dans ses opérations. Pie XII s'est interrogé sur l'efficacité qu'auraient ses prises de position mais il croyait d'avantage à l'efficacité de la diplomatie. L'anticommunisme du Vatican a aussi certainement conditionné des attitudes politiques précises. Dans son discours de Noël en 1943, il a une phrase pour condamner les persécutions en raison des races mais à aucun moment il ne prononce le mot "juif". Il a eu l'impression d'aller à l'extrême limite de ce qu'il pouvait dire. Le diplomate avait pris le dessus sur l'homme d'action, le chef d'état. Mais pour l'Eglise comme pour le reste de l'opinion publique, ce n'est qu'en 1945 que l'on a mesuré l'ampleur des atrocités. Il nous faut un instant imaginer la difficulté pour ceux qui n'étaient pas sur place d'envisager qu'on organisait la mort dans des camps. La réalité était tout simplement incroyable au sens littéral du terme. Des hommes s'étaient mis à la place de Dieu et assouvissaient leur désir de toute puissance par l'utilisation d'une violence sans limite. Regardons autour de nous aujourd'hui les fanatismes et les désirs de puissance sans limites n'ont pas disparu de la planète, loin de là !

Mais Amen va plus loin que de dénoncer les limites et les faiblesses d'un appareil institutionnel, qu'il soit militaire, ecclesial ou politique dans le combat pour la vérité et le respect de l'être humain. Il montre qu'il y a en chaque homme cet "ennemi" qui empêche l'individu de voir les choses telles qu'elles sont: la peur, la violence, le mal qui s'empare de l'humanité pour la défigurer et la corrompre. Voilà pourquoi le film atteint une dimension univserselle. Lorsque le prêtre s'embarque dans le train des camps de la mort afin de comprendre " pourquoi Dieu laisse mourir ses enfants ici", Amen pose la question de l'existence de Dieu. Est-il possible qu'il existe un Dieu quelconque alors que des millions de personnes sont mortes de la sorte. Comment Dieu a t-il pu laisser l'humanité descendre aussi bas ? La réponse à cette question nous ne l'aurons jamais mais c'est peut être Pie XII dans le film qui s'en approche le plus lorsqu'il déclare: "Qui mieux que nous peut savoir ce que c'est qu'être père ? C'est une couronne d'épines...". Qu'on soit croyant ou pas, on est alors certain que loin de "dénoncer" l'Eglise, le film a saisi une dimension importante de la foi au sens commun du terme sans même parler de religion. Le croyant est celui qui regarde la réalité en face y compris la réalité du mal, celle de la faiblesse humaine et du doute et qui arrive à aller au-delà, à dépasser ce qui empêche son épanouisement... Cela s'appelle l'espérance !

 



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30 juillet 2006 7 30 /07 /juillet /2006 13:35

Sur le site www.kubrick2001.com le film resumé et interprété par une équipe de passionnés du film. Un site spécialement consacré à 2001 qui mélange diaporama, animation et quelques (rares) images du film. L'interprétation vaut ce qu'elle vaut mais reste cohérente. Une curiosité à voir. Donnez votre avis ...



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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 21:02

SYNOPSIS

Septembre 2001. Quatre copains anglais Ruhel, Asif, Shafiq et Monir habitant à Tipton se rendent au Pakistan (leur terre d’origine) pour célébrer le mariage d’un de leur ami et prendre quelques jours de vacances. Des jeunes qui partent en virée, à l’aventure, comme tant d’autres… Ici malheureusement le voyage s’avère dramatique, l’histoire  bascule dans l’horreur. Un concours de circonstances hasardeuses et la bande de copains se retrouve pris au piège en plein cœur du bombardement américain  post 11 septembre qui ravagea les villages talibans en Afghanistan. Peu de temps après ils sont arrêtés par l’armée américaine et envoyés en prison à Guantanamo Bay à Cuba. Ils y passeront plus de deux ans dans des conditions inhumaines de détention. L’un d’entre eux ne reviendra jamais de ce périple. Otages de l’Histoire, victime du hasard, ils deviennent le symbole de ce que le destin peut infliger à ceux qui ont le malheur d’être à la mauvaise place au mauvais moment.

Michael Winterbottom a entendu parler pour la première fois de ces trois anglais tout simplement par la presse qui les a surnommé les «Trois de Tipton». Il s’agit d’une histoire vraie.  Par l’intermédiaire de l’avocat de ces 3 jeunes, il a pu les rencontrer et ils se sont interessé  au projet d’en faire un film. Winterbottom a enregistré des heures et des heures de témoignage. Ce qui a retenu son attention c’est « qu’aucun d’entre eux n’était particulièrement porté sur la religion ou sur la politique. Tout cela est arrivé à trois personnes ordinaires, tout à fait normales, qui se sont trouvés embarquées dans des événements impensables (…) A Guantanamo on enferme de dangereux terroristes pro Ben Laden or ces trois garçons n’avaient vraiment rien d’extraordinaire et se souciaient peu de ces questions ». Pour mieux révéler ce paradoxe insensé, Winterbottom a laissé entièrement libres les trois jeunes de raconter les faits tels qu’ils s’en souviennent. Le réalisateur a voulu essentiellement livrer  un témoignage. Aux récits des trois garçons qui ont vécu l’histoire, sous forme d’interview, s’ajoute dans le film, leur histoire reconstituée avec des acteurs complètement débutants, Riz Ahmed, Farhad Harun, Waqar Siddiqui et Arfan Usman. «Nous voulions que les acteurs n’aient jamais joué parce que nous voulions des garçons qui ressemblent le plus possible à Asif, Ruhel et Shafiq. Nous les avons laissé improviser leur jeu, en veillant seulement à ce que les choses restent très proches de ce qui a été raconté par les trois garçons ».

Le tournage fut extrêmement difficile tant par la diversité  des lieux, l’Angleterre, le Pakistan, l’Afghanistan et Cuba que par les innombrables autorisations qu’ont du obtenir les réalisateurs pour filmer. Un tournage au cœur de pays marqués par les conflits et la violence du terrorisme. « Bien que ce soit moralement et physiquement très dur, c’est une chose qui vous inspire et vous porte » confie le producteur. « Dans ce métier en général, il est facile de devenir cynique sur les motivations qui donnent naissance à tel ou tel film- en général c’est l’argent. Avec The road to Guantanamo vous redécouvrez votre passion. Le frisson physique et mental que vous éprouvez en tournant à Kaboul est incroyablement exaltant. C’est nettement plus puissant que d’essayer de signer un contrat à Hollywood au bord d’une piscine… »

M. Winterbottom et M. Whitecross ont obtenu avec leur film l’ours d’argent du meilleur réalisateur au 56ème Festival de Berlin. Il a été diffusé le 9 mars dernier sur Channel 4, chaîne britannique qui a participé à la production. Le film sort de la même manière que Bubble de S. Soderbergh  à savoir simultanément en salles, en dvd et en vod.  Le producteur Andrew Eaton a, d'ailleurs, déclaré qu'il souhaitait que le film soit téléchargeable sur le web… Des négociations sont actuellement en cours avec Tiscali.
Cette méthode d'exploitation est un succès en demi-teinte. Les chiffres de fréquentation de Bubble dans les salles obscures, par exemple, étaient plutôt faibles, mais ceux de la vente de dvd semblent très encourageants. La sortie simultanée a-t-elle de l'avenir ? Une question de plus portée par « The road to Guantanamo », œuvre novatrice au sein du paysage cinématographique mondial.

CRITIQUE

Gros plan sur Georges Bush qui part en croisade contre Ben Laden,  visages des vrais témoins qui racontent, prise de son remarquable, musique judicieusement choisie… Quelques images suffisent… En quelques secondes, le cinéma s’impose. Stupéfiante et rare la vitesse avec laquelle on entre dans ce film !  Le spectateur est happé, immédiatement pris dans la densité du récit. Une réalisation aux multiples mailles, au montage serré et aux effets toujours maîtrisés, sans voyeurisme. Tous les éléments de la mise en scène concourent à plonger le spectateur au cœur des enjeux humains du  drame, à « hauteur d’homme » dirait-on, sans se focaliser sur l’horreur de l’image, …

Ce devait être un rendez-vous de noces et de fête. Ce fut une rencontre avec l’horreur et la barbarie. Les quatre jeunes protagonistes de 20 ans vont vivre une entrée accélérée dans le monde des adultes, un monde de violence et de guerre où règne la loi de la domination. Ce mauvais rêve, ce cauchemar éveillé qui fait froid dans le dos, c’est The road to Guantanamo, une épopée dramatique, une histoire d’incompréhension, d’ignorance et de préjugés qui conduit ses héros malgré eux dans un voyage initiatique au pays du Mal qui existe au fond de l’homme.

The road to  Guantanamo est l’illustration de différents  points de  rupture au cinéma, d’un certain art du renversement.

Rupture avec le genre cinématographique d’abord. Ce n’est ni un documentaire, ni une fiction ni un reportage ni un road movie mais bien l’alliance finement retrouvée des quatre, dans le respect éthique le plus absolu du sujet traité. D’où la difficulté de qualifier et de classer ce film.  Les réalisateurs ont été avant tout emportés par une histoire humaine, ils n’ont pas cherché l’effet. On sait combien le genre documentaire connaît un renouveau au cinéma. Là où  Michael Moore, d’une manière en fait très égocentrique, cherchait le pamphlet, Winterbottom et son acolyte veulent surtout témoigner, exposer une situation humaine de gens ordinaires au cœur d’une situation extraordinairement violente. Le film se situerait d’avantage du point de vue humanitaire (les droits de l’homme)  à l’image d’Amnesty International qui a soutenu et accompagné la distribution du film. En ce sens, Guantanamo ne représente que la partie visible de l’iceberg. Les détentions secrètes, les restitutions, les procès inéquitables et les « disparitions » favorisent la torture et créent des dissensions. « A terme, précise Amnesty, ces pratiques nous mettent tous en danger ». Combien de fois  pense t-on à l’holocauste en voyant les images de The road to Guantanamo. Un camion emporte les captifs en prison, les corps sont entassés dans la chaleur et  l’obscurité, voyage interminable au terme duquel peu survivront… Nous revoilà 60 ans en arrière avec les trains d’Auschwitz.

            Autre point de rupture celui qui délimite la fragile frontière entre la réalité de nos existences et le cinéma. Où se termine  le cinéma ? Où commence la vraie vie ?  The road to Guantanamo est à la recherche de ce moment renversant et spirituel où tous les effets du cinéma et de la réalisation ne peuvent plus rien pour laisser place à la pure vérité, aussi tragique soit-elle. Celle de la barbarie qui existe dans le cœur de l’homme et qui touche au plus profond de notre cœur. La  réalité n’en ressort que d’avantage et fait froid dans le dos. Le film montre combien le septième art peut être un matériau de création au service de l’humanité. Cinéma du réel comme témoin de l’existence, au service de l’Histoire.

            Cinéma, point de la rupture et du renversement enfin parce que cette histoire est extra-ordinaire, en dehors de l’ordinaire de l’existence. De ces moments tellement forts que l’on se demande si l’on est pas en train de rêver alors que c’est bien réel. The road to Guantanamo pose directement la question du sens. Pour ces 4 garçons, il y a un avant et un après leur passage de deux ans à Guantanamo. Cet épisode a changé leur vie et a transformé leur manière de voir les choses. Point de rupture où le hasard a tout fait basculer. La virée à l’aventure vers l’Afghanistan s’est transformée en cauchemar.  Il arrive que dans nos existences, un événement violent, inattendu et bouleversant, dramatique ou heureux, vienne tout chambouler et fasse surgir la question du sens de l’existence. Pourquoi moi ? Pourquoi est-ce arrivé ?  Début d’un parcours spirituel où l’homme se découvre dépassé, relié à l’universel. The road to Guantanamo, au-delà de son contexte historique, détient le grand mérite de faire place à cette question.  Il traite de ce moment de retournement où l’homme se découvre fragile, au-dessus d’un dessein qu’il ne maîtrise pas,  confronté à l’expérience du mal. A cette question le film apportera une timide réponse finale. Les noces auront bien lieu, les 3 jeunes reviendront chez eux, la vie reprendra ses droits. Tout cela  après l’épreuve du feu, après un passage coûteux par les bas-fonds de notre humanité. Mais à quel prix … ?

SORTIE NATIONALE LE 7 JUIN 2006

 

 



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31 mars 2006 5 31 /03 /mars /2006 18:19

INCLASSABLE , COURAGEUX, TALENTUEUX  ET BIEN PLUS QU'UN ACTEUR...

IL A MARQUE PROFONDEMENT LE CINEMA COMIQUE FRANCAIS.

IL Y A DU CHAPLIN EN LUI...

 Mon Oncle, son grand film à mes yeux, qui donne comme dans beaucoup de ses films la part belle au son... Du cinéma qui s'écoute , un cinéma en prise directe avec la vie ...



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19 février 2006 7 19 /02 /février /2006 13:48

Affiche américaine. New Line Cinema

CETTE FOIS TERENCE MALICK A FRANCHI... LA LIGNE ROUGE...

 DE L'ENNUI

UNE ESTHETIQUE CINEMATOGRAPHIQUE NE SUFFIT PAS

ON REGRETTE LA LIGNE ROUGE

ET ON BAILLE  ...



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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 18:16

A propos du Temps qui reste

 de François Ozon

 Mars Distribution

« Il n’y a pas d’amour heureux ». Pour ceux qui suivent le cinéma de François Ozon, ces paroles renvoient à la chanson interprétée par Danielle Darieux à la fin de Huit Femmes. Pourtant malgré la gravité et la profondeur du Temps qui reste ce n’est pas le désenchantement qui prime mais bien plus, le sentiment d’avoir touché du doigt ce qui fait le sens plein de nos vies. On ressort de ce film retourné, plongé au cœur même de la profondeur de nos existences.

L’histoire a tout de la tragédie. Nous connaissons dès le départ l’enjeu du scénario. Romain jeune gay photographe de son métier apprend qu’il est touché par un cancer généralisé. Il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Pour le reste, les ressorts du scénario résident dans le traitement du « comment » le personnage vit ses derniers jours. On retrouve le même sujet que dans le très beau film de J. P. Ameris C’est la vie avec J. Dutronc et S. Bonnaire qui parlait de la mort avec simplicité et sans tabou.

Ozon centre le film sur son personnage principal interprété avec beaucoup de brio par Melvil Poupaud. Personnage d’une beauté poignante, déchiré puis apaisé, il n’échappe pas à un certain cynisme doux amer qu’affectionne particulièrement le cinéaste. A ce sujet, il est frappant de constater la ressemblance quasi physique dans ce film entre Ozon et son personnage principal. Le réalisateur livre certainement ici un de ses films les plus personnels et les plus dépouillés. Sa caméra scrute le visage de ce jeune homme qui va mourir, elle passe au crible l’étendue de ses remous intérieurs. Ozon filme la quête intérieure de Romain durant ces derniers jours de vie. Une quête de sens et de liberté qui le conduira à la rencontre ultime avec l’enfant qu’il a été, dans la sérénité retrouvée. (On pense bien sûr, dans la scène finale de la plage, à Visconti et son Mort à Venise).

Autour de lui gravitent tous les autres personnages de sa vie : famille, ami, grand-mère et un couple infertile. Les mêmes problématiques chez tous ces personnages : la difficulté d’aimer, la pudeur extrême des sentiments, la blessure de passer à côté de l’autre. Pourtant, au long de sa quête ultime, Romain fait ce travail de vérité et purifie ses sentiments, réapprend la virginité et la vérité de l’amour auprès de ceux qui comptent pour lui (réconciliation avec sa sœur, amour devenu intériorisé avec Sacha, dialogue en vérité avec son père, etc.).

A la froideur picturale des corps (notamment dans le traitement du désir homosexuel), à l’exacerbation du désir qui associe la sexualité à la mort, le cinéaste oppose les souvenirs de l’enfance, la quête de l’innocence retrouvée dans des tons chauds et lumineux.

Naissance, mort et amour sont intimement mêlés dans le film (elle atteint son degré le plus élevé dans la scène d’amour avec le couple infertile). On sait combien ces trois éléments touchent profondément à notre personnalité. Certes Romain va mourir seul mais il aura donné un sens à la mort. Il fait plusieurs actes de foi : donner la vie pour avoir une descendance, vivre le pardon, réaliser une conversion qui le mène à la paix.

Oui François Ozon semble bien « réaliser toujours le même film », comme le disait de lui-même Scorcese. Pour lui il n’y pas d’amour heureux. L’amour devient vraiment tel lorsque l’on a accepté de « laisser la place » pour l’autre. Pour être dans la vérité, l’amour demande que l’on meurre à quelque chose en nous, qu’il y ait un lâcher prise de ce que nous voulons absolument posséder, de ce que nous avons peur de perdre. Romain vit à la fois la mort physique (l’expérience radicale que nous devrons disparaître un jour) mais surtout, à travers elle, l’expérience d’une mort symbolique et d’une renaissance qui le conduit à la plénitude de la vie. Nous avons beaucoup de mal à accepter que nous allons mourir un jour ou que nous devons mourir à quelque chose et dans une société qui pousse souvent à l’oublier, ce jeune homme et la mort ont quelque chose d’essentiel à nous dire… Il serait donc dommage de passer à côté du dernier film de F. Ozon qui donne un éclairage de vérité à notre propre existence.

 



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14 février 2006 2 14 /02 /février /2006 20:44

UN FILM QUI A MARQUE MON ADOLESCENCE



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 21:49

Comment ne pas l'aimer ?

Comment l'oublier ?



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