A PROPOS DU SECRET DE BROKEBACK MONTAIN
DE ANG LEE
DU NOUVEAU DANS
Dans lhistoire de la représentation de personnages gays à lécran, le dernier film de Ang Lee, Brokeback Montain constitue vraiment une bonne surprise voire même peut être une nouvelle étape. A y regarder de près, peu de films qui traitent de lamour entre deux hommes échappent (y compris de la part de bien des cinéastes gays) à une vision homophobe de lhomosexualité. Même derrière la sincérité dans la manière de traiter le sujet, le gay, quil soit défendu, caricaturé, moqué, montré du doigt ou admiré est bien souvent traité comme un cas à part. Une vision qui na pas intégré la capacité daimer de la personne homosexuelle comme une composante entière et naturelle. Avec Brokeback Montain , nous sommes en présence dun film qui échappe au jugement, qui se tient dans une neutralité très honnête et très sincère. Peu de films accordent à ce sujet un traitement aussi juste, sans jamais gommer la complexité de la situation homosexuelle.
Le cinéma qui parle des gays a logiquement suivi les évolutions de la société en la matière. Aujourdhui on en parle facilement mais est-ce pour autant le signe dune acceptation ? Défendre la cause gay ou faire de lhomo un sujet de laboratoire tient aujourdhui encore de lhomophobie. Au même titre que le débat sur la parité qui souhaite intégrer davantage de femmes dans les grandes institutions. Derrière la mode, la fascination et le militantisme se cachent bien des discours qui tendent indirectement à « mettre à part » . Le cinéma s est toujours intéressé au gay, il lintègre dans son imagerie, le comprend mais ne parvient que rarement à lintégrer pour ce quil est.
Quelques repères dhistoire. La représentation de l'homosexualité masculine au cinéma a eu du mal à passer le cap de la caricature ou du dénigrement. Tout d'abord cachée, suggérée en usant de subterfuges pour déjouer les censeurs, elle fut surtout utilisée par le biais de la caricature. Grosso modo jusque dans les années 60 lhistoire du cinéma gay se résume à des histoires de censure. Le sujet reste très tabou et méconnu. Létude du très intéressant documentaire de Friedman et Epstein The Celluloïd Closet montre bien comment les auteurs gays dHollywood ont du jouer avec les codes de censure pour faire passer leurs idées et leurs représentations. Progressivement, l'homo a quitté la sphère de la marginalité et du scandaleux à lécran, pour suivre la libération des murs. Aujourdhui limage du gay sest totalement banalisée, elle est même à la mode. A ce sujet il est attristant de constater comment le lobby gay récupère limagerie du cinéma grand public à des fins de pur marketing. Pour le film de Ang Lee, par exemple, limagerie « cow-boys », un des fantasmes de lunivers gay, a été largement exploitée, laissant de côté dautres aspects beaucoup plus intéressants du film, notamment les conséquences sociales et familiales de la relation damour entre les deux personnages.
On peut essayer de dégager plusieurs courants de la représentation des gays à lécran.
Un premier courant général aborde la question de manière très indirecte, très distanciée. Les films utilisent des procédés esthétiques nombreux pour noyer la question ou la distiller dans un discours plus global. Dans Persona , Bergman utilise un jeu de reflets, d'ombres et d'illusions. Même procédé dans Mulholand Drive de D. Lynch. Le sujet nest pas abordé de front mais tout le film est imprégné de la question de lamour du semblable.
Persona I. Bergman
Un deuxième courant, revendicateur celui-ci, se dessine nettement dès la fin des années 80. On assiste à une floraison de films sur les gays qui veulent imposer leur image et leur place. En France Gazon maudit de Balasko, Pedale douce dAghion ; en Angleterre Beauthiful Things de McDonald, en Asie Garçon dhonneur de Ang Lee. Voilà quelques exemples. Evidemment on trouve du bon et du moins bon dans ce genre de courant.
On peut aussi répertorier un troisième courant que lon appellerait « épicurien » qui montre une vision débordante, jouissive de lhomosexualité. Là encore on peut trouver le meilleur comme le pire. Citons quelques exemples comme Théorème de Pasolini, le Satyricon de Fellini, plus récemment Priscilla folle du désert de S. Elliot.
Enfin dernier courant, proche de la fonction revendicatrice : des films isolés, inclassables qui se contentent de montrer sans vraiment juger. Ces films (parmi lesquels je classerais Brokeback Montain ) ont une dimension universelle certaine et montrent une situation homo dans un regard neutre et réaliste sans soucis de plaider une cause quelconque. Dans cette catégorie, on trouve de très bons films gays, parfois des trésors: My Beautiful Laundrette de Stephen Frears , La confusion des genres de Ilam Duran Cohen, Huit femmes, de F. Ozon, Nettoyage à sec de A. Fontaine ou bien encore le magnifique Priest de A. Bird.
Prêtre de Antonia Bird
Aujourd'hui ce qui fait la force d'un film comme Brokeback Montain c'est bien qu'il échappe à une vision homophobe du gay au cinéma. L'histoire se déroule comme dans la vie, presque à temps réel, on retient une certaine lenteur, presque un engourdissement. le réalisateur montre ce qui se passe, sans porter de jugement personnel moral, il ne s'implique dans son film de ce côté là. Apparemment tout est calme, il se déroule une histoire tranquille , anodine presque de nos jours...Pourtant nous sommes devant l'illustration en images d'une question existentielle: la capacité que nous avons de vivre notre existence en vérité. Ang Lee , au travers de cette trompeuse nonchalence, possède ainsi plus de force pour surprendre le spectateur et laisser surgir la cassure tout au autant que la puisance de l'amour qui unit ces deux personnes. Il prend aussi la liberté de montrer la souffrance qui découle de cette relation, les conséquences personnelles, familiales et sociales. Nous ne sommes pas dans une vison idéalisée de l'homosexualité mais bien dans la perception d'une histoire d'amour vécue intensément avec les questions qui en découlent, comme n'importe quelle histoire d'amour. Chacun de son côté et ensemble aussi, les deux hommes apprennent à mener le combat de l'acceptation qui ne va pas sans douleur. Leur histoire s'affronte également au monde qui est extérieur à leur amour. Les événements se déroulent au fin fond d'une Amérique puritaine et fondamentaliste où couve la violence, prête à refaire surface derrière les cadres imposés par la société et la religion. Pour les deux personnages -et indirectement pour le spectateur- la question demeure comment vivre la vérité d'un engagement et la liberté de l'amour dans une société qui ne les reconnaît pas.
Brokeback M. possède donc la très grande qualité de montrer, sans militer, qu'il est encore à loin le chemin de l'acceptation de la différence. L'acceptation des gays ici en l'occurence, mais au-delà l'acceptation du chemin que prend tout homme dans son existence. Chemin pour certains si différents et parfois si difficles, dans un monde qui a peur et qui, chaque fois plus, se réfugie dans des réflexes identitaires traditionnels et institutionnels afin de mieux éviter la question de la vérité et de la liberté humaine.
MA FILMOGRAPHIE GAY DE A à Z
(en couleur mes préférés)
A bigger splash. Jack Hazan
A cause dun garçon. F. Cazeneuve
Lâge dor. Louis Bunuel
Alexandre. Oliver Stone
Alger la blanche. Cyril Collard
A toute vitesse. Gael Morel
Le baiser de la femme araignée. H. Babenco
Beautiful things. Hettie McDonald
Le secret de Brokeback Montain. Ang Lee
La cage aux folles. Edouard Molinaro (oubliez les autres !)
The celluloïd closet. Documentaire de J. Friedman et R. Epstein
Chouchou. M. Allouache
La confusion des genres. Ilam Duran Cohen
La corde. Alfred Hitchcok
Les damnés. L. Visconti
Garçon dhonneur. Ang Lee
Happy together Wong Kar-Wai
Lhomme blessé. Patrice Chereau
Lhomme est une femme comme les autres. J-J. Zilberman
Huit femmes. François Ozon
Juste une question damour. C. Faure
La loi du désir. Pedro Almodovar
Maurice. James Ivory
La mauvaise éducation. Pedro Almodovar
Midnight Express. Alan Parker
Minuit dans le jardin du bien et du mal. Clint Esatwod
Mort à Venise. L. Visconti
My beautiful laundrette. S. Frears
Nettoyage à sec. Anne Fontaine
Les nuits fauves. Cyril Collard
O Fantasma. Joao Pedro Rodrigues
Oscar Wilde. Brian Gilbert
Parle avec elle. Pedro Almodovar
Pedale douce. G. Aghion (on aurait pu sen passer )
Persona. I. Bergman
Pigalle. Karim Dridi
The pillow book. Peter Greenaway
Pink Narcissus. James Bidgood
Le Placard. Francis Weber
Presque rien. S. Lifshitz
Prêtre. Antonia Bird
Prick up you ears. S. Frears
Priscilla folle du desert. S. Elliot
Querelle. RW Fassbinder
Les roseaux sauvages. A. Techiné
Une robe dété. François Ozon
Salo ou les 120 jours de Sodome. P. P. Pasolini
Le sang dun poète. Jean Cocteau
Le Satyricon. F. Fellini
Sitcom. François Ozon
Son frère. Patrice Chereau
Spartacus. Stanley Kubrick
Le talentueux Mr Ripley. A. Minghella
Le temps qui reste. François Ozon
Tenue de soirée. Bertrand Blier
Thelma et Louise. Ridley Scott
Theorème. P.P. Pasolini
Velvet Goldmine. T. Haynes
a découvrir sur le web
vous y trouverez une filmographie complète et détaillée
(le - : même les films qui ne font qu'effleurer le sujet y sont répertoriés la filmographie est parfois tirée par le cheveux!)
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