Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 23:24

Twentieth Century Fox France

Après le coup de génie de Sixième sens, M. Night Shyamalan revient au meilleur de sa forme avec Phénomènes, petit bijou cinématographique et d’adrénaline comme on n’en avait pas vu depuis longtemps dans le domaine du fantastique.

Dès les premiers plans, l’hypnotique pouvoir des images s’empare du spectateur. Du cinéma imprégné de spiritualisme et usant généreusement du potentiel de fascination du cinéma, comme seul ce réalisateur, guidé par une quête mystique, sait l’utiliser. Le premier quart d’heure -d’un total brio- nous fait assister aux premières manifestations du fameux phénomène : les habitants des villes se suicident les uns après les autres sans explication. Première image et premières secondes, à peine le temps de sortir du générique et le film installe, avec une densité rare et de manière très puissante, l’effroi et le surnaturel. Une intrusion du fantastique et de la mort dans un univers des plus quotidiens, qui rappelle sans difficulté celui des Oiseaux d’Hitchcock.

 

         Le secret de Shyamalan ? Poursuivre sans cesse l’exploration de ses obsessions personnelles (notamment la peur de la mort) à travers le cinéma qu’il utilise clairement comme une thérapie. Signifier l’intrusion de l’extraordinaire dans les situations des plus ordinaires, chercher le caché au travers du montré : telles sont les ressorts profonds de son langage cinématographique. Sa caméra ne fait pas que capter les images, elle est elle-même notre second œil qui scrute de manière méditative l’univers du quotidien pour y percer l’invisible, pour le faire parler ou apparaître à l’image. Les plans très lents et le montage fluide laissent le temps d’imaginer et d’extrapoler un au-delà du récit, qui n’est pas de l’ordre du descriptif mais du symbolique, dans l’imaginaire et la conscience du spectateur. Chaque plan porte en lui une charge de sens qui laisse libre cours aux fantasmes et aux émotions intimes de chacun.

 

         S’inscrivant dans un fantastique social, Phénomènes fait surgir l’angoisse dans les situations des plus communes. Le format de Phénomènes refusant le cinémascope donne au film un caractère plus rétro. Une option du cinéaste qui cherche ainsi à mieux valoriser la densité du sujet et la force des images sans jouer sur l’effet d’annonce. Le jeu des acteurs reste suffisamment neutre et leurs personnages suffisamment banals pour que l’on se concentre sur tout ce qui n’est pas humain, la végétation, les objets, la maison, la ville… Les éléments et les objets sont en fait les véritables acteurs du film parce que la terreur vient d’eux.  Une plante devient terrifiante, un coup de vent suffit à faire sursauter, une porte claque de manière angoissante, une tondeuse se transforme en une arme inquiétante… Là est la trace du génie de Shyamalan : il met la technique du cinéma, le son, l’espace des décors au service du suspens et du fantastique (comme le faisait par exemple Alejandro Amenábar dans Les Autres) dans une tension constante qui ne vous lâche qu’une fois sortis de la salle.  

 

Phénomènes est un film, à tous points de vue, psychotique. A un premier degré, il explore l’inconscient humain. On baigne en pleine paranoïa et l’on assiste à des dépressions nerveuses en cascades ! Les fantasmes de mort et de suicide décrits à l’écran renvoient l’être humain à ce qu’il a de plus trouble en lui, une zone de l’inconscient qui, par l’image, ne connaît plus de tabou ni le barrage du conscient. Cette sensation procure un profond malaise chez le spectateur et vient toucher des zones sombres et inexplorées de sa psychologie profonde. Il y a comme chacun le sait au fond de chaque homme des instincts de mort que le cinéma vient ici exhumer. A ce titre, cela fait longtemps que l’on n’avait pas vu des images aussi audacieuses et dérangeantes, loin du politiquement correct, comme le cinéma le permet.

A un autre niveau, collectif celui-ci, Phénomènes s’avance nettement sur le terrain des psychoses du monde moderne, exprimées quant à elles quotidiennement dans tous nos journaux télévisés : menace écologique, peur sourde de la menace terroriste,  peur de la fin du monde, peur de l’autre et de soi-même, peur de tout en somme… Le film prend la figure d’une allégorie de cette « chose » qui n’est pas nommée et qui entrave la relation humaine. La peur du contact, le refus de la différence, la claustration, la phobie et le repli sur soi face aux difficultés du monde, notamment celles que génère la ville. Refusant l’explication, Shyamalan fait le choit judicieux de ne montrer que les signes. Il sonde l’univers des symptômes laissant le soin à chacun d’interpréter.

Oui, décidemment, le cinéma de ce réalisateur d’origine indienne  est celui de l’ailleurs, de l’au-delà du cadre dans lequel une universalité de l’humain peut se frayer un chemin de vie et d’amour, comme l’annonce le test de maternité final d’un couple ressoudé. Chemin d’espérance pourtant bien fragile dans un monde où, au-delà des frontières, semble souffler désormais un vent mauvais… 

Avertissement : dans cette bande annonce, des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs


Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Bof... Bof... C'est quand même un peu risible tout ça. Et si Shyamalan n'avait toujours été et ne sera toujours qu'un éternel espoir ?
Répondre