AVRIL
DE GERALD HUSTACHE-MATHIEU
Avril, premier long métrage de Gerald Hustache-Mathieu (déjà remarqué pour ses deux précédents courts), porte en lui la marque de son titre. Un film de renaissance, un film des débuts, débordant de sincérité, profond dans sa fragilité et sa délicatesse. Un air ancien de nouvelle vague souffle dans certaines scènes : on se croirait parfois dans du Rohmer ou du Truffaut avec des acteurs jeunes très spontanés et très naturels. Quelques flashs de Jules et Jim surgissent lors dune scène, quand les 3 garçons apprennent la chanson Aline à Avril, par exemple. Laspect hyper esthétisant des images (parfois même un peu forcé) rappelle limagerie dun Ozon ou dun Beinex. A limage de son beau générique douverture, le film procède par touches impressionnistes, des coups de pinceaux de vie. Un récit filmé qui effleure et touche poétiquement.
La représentation, le camouflage et lartifice constituent les premiers lieux dexploration du film. Que ce soit dans le domaine de la religion ou dans le domaine artistique, les personnages expriment une recherche de vérité et de pureté du sentiment. Dans le premier, la religion est au service dun mensonge (les règles de la communauté des soeurs permettent à la mère supérieure détouffer un secret de famille, il faut enterrer le passé, on enferme la novice dans une retraite silencieuse soit disant spirituelle). La religion est dénoncée ici comme un lieu de pouvoir et de main mise de lhomme sur son prochain pour lempêcher de regarder la réalité en face. En ce sens, elle est ici perçue par le réalisateur comme source denfermement qui empêche la personne dêtre heureuse et libre. Lart, quant à lui, exprime aussi un substitut à la réalité mais, là où la religion enferme, la peinture, elle, exprime un désir déclosion, elle témoigne dune volonté douverture sur le monde, un don en quelque sorte qui nest pas encore tourné vers lautre mais qui porte une promesse ou exprime une attente. Les talents cachés dAvril en peinture se verront vraiment reconnus par Pierre. Tout au long du film, lart permettra aux personnages de se rapprocher et de sapprivoiser (cf. la scène où Pierre apprend à Avril à préparer la couleur de la peinture).
Et cest bien ce désir déclosion qui habite tout le film. Au-delà des représentations religieuses ou artistiques qui intéressent le réalisateur, Hustache-Mathieu met en scène des personnages en quête de relation et damour, en quête du sens de leur vie. Le cheminement dAvril , de Pierre, David, Jim et les autres représente lobjet central du film. Presque tous vivent une conversion qui les amènent à la vérité toute nue. Cette quête se traduit par la recherche ou la découverte de ce que ni la religion ni lart ne peuvent leur apporter : aimer et être aimé. Le réalisateur - à ses dépends ? - montre ainsi que seul lamour peut donner un sens à une vie. En ce sens, même si le film critique lhypocrisie des appareils ecclésiastiques, il reste profondément spirituel, croyant et religieux parce quil ramène chaque personnage à un acte de foi débarrassé des artifices dun système : accepter que le sens de sa vie vienne dun autre, accepter de dépendre dun autre. Lacte de foi est ainsi montré non pas comme un acte réservé aux transmetteurs officiels de la foi (prêtres, moines ou bonnes surs ) mais à tout être qui lâche prise pour aimer. Ainsi pour la quasi-totalité des personnages du film, mère supérieure exceptée ! Avril, personnage central joué avec justesse par Sophie Quinton, vit une conversion en sens inverse, elle découvre progressivement la vérité de son existence et découvre le bon goût de la vie (« cest la première fois quil marrive quelque chose » dit-elle). Elle découvre lart, les garçons, les plaisirs simples dun bain de mer, la joie de rire entre amis, de vivre le temps des loisirs. Elle découvre quelle a un frère et part à la recherche de son passé. Pierre le bon samaritain qui la protège et laime, décide de quitter lordinaire de sa vie pour laider dans sa quête ; il part dans linconnu en acceptant de la suivre. David et Jim vivent leur vie amoureuse au-delà des fragilités en faisant confiance. Du côté de la communauté des religieuses, Sur Bernadette (Miou Miou) opère aussi une conversion en osant briser le tabou du secret de son histoire. La communauté des religieuses sen trouve ainsi remise en question. Une vieille sur ira jusquà demander pardon dêtre restée dans le silence et le mensonge.
A limage du miracle final (certes un peu audacieux mais dans la continuité poétique du récit) lamour sort vainqueur et savère plus fort que la violence. La pureté dâme dAvril fait revivre la fresque murale, mémoire des corps innocents. La vie est plus forte que la mort. Le vrai pouvoir est acquis. Ce nest plus celui dicté par les systèmes et lartifice mais celui de lamour. Et quand lamour fait éclater sa force, plus rien nest impossible.