Beaucoup dencre a déjà coulé au sujet du dernier film de Jean-Pierre Jeunet Un long dimanche de fiançailles , daprès le roman de Sebastien Japrisot Souffle romanesque, grande reconstitution à laméricaine, gros budget, bref une réussite pour le réalisateur dAmélie Poulain qui frappe encore un grand coup avec ce film à la fois beau, émouvant et profond.
On a moins parlé à mon sens de la dimension théologique qui irrigue ses images. Théologie de lEspérance qui nous dit quil existe en lhomme cette capacité de croire envers et contre tout, malgré la présence du mal et de la mort. Le film est lhistoire de cette Espérance à travers la recherche inlassable de son héroïne, Mathilde jouée par Andrée Tautou. Recherche de lêtre aimé et plus profondément encore recherche dun sens à lexistence. Notre Amélie Poulain nationale continue de soulever les montagnes : elle fait confiance, elle espère par-dessus tout que lamour sera vainqueur et plus fort que la croix. Si Manech était mort elle le saurait. De nombreux symboles religieux présents dans le film rappellent la dimension spirituelle du livre de Japrisot : lalbatros planant au-dessus des eaux comme lEsprit, la cloche qui sonne lamour naissant par exemple. Ces signes religieux expriment lamour des deux héros et lélévation de leur âme au beau milieu dun univers de guerre où les hommes senfoncent dans la boue, la terre, le Mal et les larmes.
Mais deux moments en particulier pourraient suffire à dévoiler lesprit qui souffle sur le film de J-P. Jeunet.
Le premier plan dabord. Nous sommes dans une tranchée boueuse de la guerre 14-18, la caméra descend lentement dans un mouvement vertical sur un crucifix au Christ cassé. Défiguré, Il na même plus de forme humaine. Tout nest que mort, vide, désolation dans ces premiers instants du film. Jeunet donne le ton. Lunivers quil va décrire est un univers de mort et de désespoir, celui de la guerre. La caméra poursuit sa descente mais adopte cette fois un mouvement horizontal en continuant de glisser sur un fil quelle suit lentement et sûrement. Nest-ce pas le fil tenu de la vie ? Au bout de ce fil, une lampe, une étincelle de feu, un soldat ravive la flamme, première trace de vie, premier signe quune lueur brille quand même. Dans cet univers vide et désolé un homme allume une lampe, geste banal mais très puissant ici ; puis dautres hommes petit à petit apparaissent. Au cur des tranchées la vie continue. Même si tout semble desespéré et que le monde paraît sécrouler puisque même la croix sest brisée, la vie reste toujours plus résistante pour se frayer un passage ; elle est plus forte que la plus forte des désespérances. Un peu le sentiment que nous pouvons ressentir alors que nous avons perdu un être cher et que sommes surpris de continuer à vivre, à manger, à aller au travail, à accomplir les gestes du quotidien
A lui seul, ce plan douverture fluide, émouvant et magistral représente la clef du film et donne tout son esprit : un film entre mort et résurrection, une histoire « entre
A ce premier plan dun long dimanche de fiançailles répond la scène de clôture, les retrouvailles finales tant espérées de Mathilde avec son fiancé. Dune intensité très forte elle aussi, cette scène intervient au terme dune longue attente commune aux personnages et aux spectateurs. Mathilde, telle une héroïne des grands films hollywoodiens, entre dans la maison et passe dans un couloir obscur. Filmée en sous exposition (nous ne voyons que sa silhouette) elle fait un passage vers une nouvelle naissance, une nouvelle étape de sa vie. Lobscurité de ce couloir symbolise en effet sans peine toutes les épreuves quelle a du surmonter auparavant dans sa quête et dont nous avons été les témoins au cours du film. Puis la caméra nous fait pénétrer dans un jardin inondé de soleil. Jardin de la genèse, du nouveau recommencement. Deux êtres retrouvent leur innocence perdue ( Manech devenu amnésique recommence tout à zéro ; pour Mathilde cest une nouvelle vie qui commence). Mathilde sapproche lentement de son fiancé, comme dans une cérémonie de noces. Manech incarne la pureté. « Elle regarde, elle le regarde » sont les derniers mots du livre et du film. Le bonheur présent de Mathilde réside dans le fait dêtre là et de contempler lêtre cher. Tous deux se sont retrouvé, ils ont atteint un amour débarrassé de la « chair », un amour « agape » signe de la présence de lEternel.
Aussi de louverture du film à cette dernière image de Mathilde contemplant comme une icône son fiancé, il sest passé toute la traversée du mal et la quête de lautre. Lépreuve du feu a libéré les deux personnages de toutes traces de péché. Ainsi en va-t-il de notre aventure humaine en quête de