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12 février 2006 7 12 /02 /février /2006 19:35

Beaucoup d’encre a déjà coulé au sujet du dernier film de Jean-Pierre Jeunet Un long dimanche de fiançailles , d’après le roman de Sebastien Japrisot … Souffle romanesque, grande reconstitution à l’américaine, gros budget, bref  une réussite pour le réalisateur d’Amélie Poulain qui frappe encore un grand coup avec ce film à la fois beau, émouvant et profond.

On a moins parlé à mon sens de la dimension théologique qui irrigue ses images. Théologie de l’Espérance qui nous dit qu’il existe en l’homme cette capacité de croire envers et contre tout, malgré la présence du mal et de la mort. Le film est l’histoire de cette Espérance à travers la recherche inlassable de son héroïne, Mathilde jouée par Andrée Tautou. Recherche de l’être aimé et plus profondément encore recherche d’un sens à l’existence. Notre Amélie Poulain nationale continue de soulever les montagnes : elle  fait confiance, elle espère  par-dessus tout que l’amour sera vainqueur et plus fort que la croix. Si Manech était mort elle le saurait.  De nombreux symboles religieux présents dans le film rappellent la dimension spirituelle du livre de Japrisot : l’albatros planant au-dessus des eaux comme l’Esprit, la cloche qui sonne l’amour naissant par exemple. Ces signes religieux expriment l’amour des deux héros et l’élévation de leur âme  au beau milieu d’un univers de guerre où les hommes s’enfoncent dans la boue, la terre, le Mal et les larmes.

 

Mais deux moments en particulier pourraient suffire à dévoiler l’esprit qui souffle sur le film de J-P. Jeunet.

Le premier plan d’abord. Nous sommes dans une tranchée boueuse de la guerre 14-18, la caméra descend lentement dans un mouvement vertical sur un crucifix au Christ cassé. Défiguré, Il n’a même plus de forme humaine. Tout n’est que mort, vide, désolation dans ces premiers instants du film. Jeunet donne le ton. L’univers qu’il va décrire est un univers de mort et de désespoir, celui de la guerre. La caméra poursuit sa descente mais adopte cette fois un mouvement horizontal en continuant de glisser sur un fil qu’elle suit lentement et sûrement. N’est-ce pas le fil tenu de la vie ? Au bout de ce fil, une lampe, une étincelle de feu, un soldat ravive la flamme, première trace de vie, premier signe qu’une lueur brille quand même. Dans cet univers vide et désolé un homme allume une lampe, geste banal mais très puissant ici ; puis d’autres hommes petit à petit apparaissent. Au cœur des tranchées la vie continue.  Même si tout semble desespéré et que le monde paraît s’écrouler puisque même la croix s’est brisée, la vie reste toujours plus résistante pour se frayer un passage ; elle est plus forte que la plus forte des désespérances. Un peu le sentiment que nous pouvons ressentir alors que nous avons perdu un être cher et que sommes surpris de continuer à vivre, à manger, à aller au travail, à accomplir les gestes du quotidien… A lui seul, ce plan d’ouverture fluide, émouvant et magistral représente la clef du film et donne tout son esprit : un film entre mort et résurrection, une histoire « entre la Vie et la Mort » !  Ces toutes premières images touchent parce qu’elles détiennent en elles-mêmes une charge symbolique extrêmement forte. Il n’y pas de mots pour le dire. C’est la puissance des images qui parle et fait sens.

 

A ce premier plan d’un long dimanche de fiançailles répond la scène de clôture, les retrouvailles finales tant espérées de Mathilde avec son fiancé. D’une intensité très forte elle aussi,  cette scène intervient au terme d’une longue attente commune aux personnages et aux spectateurs. Mathilde, telle une héroïne des grands films hollywoodiens, entre dans la maison et passe dans un couloir obscur. Filmée en sous exposition (nous ne voyons que sa silhouette) elle fait un passage vers une nouvelle naissance, une nouvelle étape de sa vie. L’obscurité de ce couloir symbolise en effet sans peine toutes les épreuves qu’elle a du surmonter auparavant dans sa quête et dont nous avons été les témoins au cours du film. Puis la caméra nous fait pénétrer dans un jardin inondé de soleil. Jardin de la genèse, du nouveau recommencement. Deux êtres retrouvent leur innocence perdue ( Manech devenu amnésique recommence tout à zéro ; pour Mathilde c’est une nouvelle vie qui commence). Mathilde s’approche lentement de son fiancé, comme dans une cérémonie de noces. Manech incarne la pureté. « Elle regarde, elle le regarde… » sont les derniers mots du livre et du film. Le bonheur présent de Mathilde  réside dans le fait d’être là et de contempler l’être cher. Tous deux  se sont retrouvé, ils ont atteint un amour débarrassé de la « chair », un amour « agape » signe de la présence de l’Eternel.

Aussi de l’ouverture du film à cette dernière image de Mathilde contemplant comme une icône son fiancé, il s’est passé toute la traversée du mal et la quête de l’autre. L’épreuve du feu a libéré les deux personnages de toutes traces de péché. Ainsi en va-t-il de notre aventure humaine en quête de la Grâce. Celle-ci ne peut couler que là où il y des plaies, à la recherche de l’innocence qui réside en chacun de nous.

 



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commentaires

S
histoire des artsje travaille sur ce film et je trouve que ce film est très bien . Grace a ce blog j'ai pu me renseigner merciiiii !! ^^
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